LES THÉORIES DE L’APPRENTISSAGE : LES IMPLICATIONS DU CONSTRUCTIVISME, DU COGNITIVISME ET DU CONNECTIVISME DANS LES APPRENTISSAGES À L’ÈRE DU NUMÉRIQUE
Dans le précédent billet sur les apprenants du 21è
siècle, nous étions en accord avec Svinicki & Mckeachie (2014) qui pensent
que pour mieux comprendre les sources potentielles des solutions appropriées à
nos apprenants, il vaudrait mieux s’intéresser à la façon dont ces derniers
apprennent. Comme nous le constations dans la vidéo de Wesch (voir notre second
billet), la lecture que nous faisons est que l’environnement numérique
influence les styles de vie et les modes d’apprentissage des étudiants
d’aujourd’hui et il appert que les nouvelles technologies participeraient,
comme le soutiennent Legros et al. (2002), au renforcement de l’expérience de
nos apprenants et à la consolidation de leur découverte personnelle. À cet
effet, cet environnement numérique d’apprentissage devient un outil cognitif
avec lequel ces « digital natives » pensent et agissent. À ce titre, il va sans
dire que les modèles théoriques d’apprentissage qui constituaient jusqu’ici des
références dans les milieux académiques semblent mises à l’épreuve de ces
profondes mutations technologiques et, par ricochet, sociologiques. En outre, les
limites de ces théories traditionnelles résident dans le fait qu’elles se
focalisaient que sur le mode d’apprentissage de l’individu en question (Guité,
2004) et ne s’intéressaient donc qu’à ce qui survient à l’intérieur de ce
dernier et donc au processus cognitif dans le traitement et l’interprétation
des connaissances par l’apprenant. Par exemple, selon la philosophie des
tenants du constructivisme, l’apprentissage découle d’un processus de « construction
des images de la réalité dans des situations en action ». Ce processus d’apprentissage
impliquerait en effet une double adaptation soit, assimilationniste dans un
contexte où l’apprenant « trie et sélectionne ce qui est conforme à ses schèmes
en corollaire avec ses connaissances de base »; soit, il accommode ses
nouvelles connaissances acquises avec celles antérieures pour arriver à créer
un schème d’assimilation (Lemoigne, 1994). Les théoriciens du cognitivisme pour
leur part, stipulent que l’apprentissage ne saurait se dissocier du traitement
de l’information reçue. Les cognitivistes considèrent que l’apprentissage est
tout un processus de création du savoir qui part du moment où l’individu reçoit
les informations, les traite à la lumière de ses connaissances antérieures
avant de les transformer en une connaissance acquise. On le voit donc, aussi
bien le constructivisme que le cognitivisme, bien qu’ayant des interprétations
différentes du processus d’apprentissage, se retrouvent en effet sur les mêmes
préoccupations autour de l’apprentissage et des pratiques pédagogiques à savoir
le sens de l’apprentissage, les facteurs qui l’influencent, le rôle de la
mémoire, le sens accordé au transfert de connaissance entre autres (Ertmer
& Newby, 1993). Cependant, avec les nouvelles technologies, Internet et
divers réseaux sociaux produisent un important flux d’informations que
l’individu seul, n’est plus capable de recevoir et de traiter de façon
optimale. En ce sens, Guité (2014) postule que l’apprentissage n’est plus une
activité individualiste de consommation des connaissances mais un processus
collectif de création de savoirs. Le connectivisme prend encrage de ce postulat
en considérant que les nouvelles technologies ayant considérablement modifié
nos manières de vivre, nos styles d’apprentissage ainsi que nos façons de
communiquer, le système d’apprentissage ne peut plus ignorer notre propre
environnement au sein duquel nous vivons ainsi que les outils de communication
dont nous disposons (Siemens, 2005). C’est en ce sens que le connectivisme
constitue une réponse aux limites des théories traditionnelles. Cependant,
doit-on considérer qu’il constitue une révolution par rapport à ces théories ou
qu’il est simplement une réadaptation de celles-ci face à l’impact des nouvelles technologies?
De l’avis de plusieurs auteurs à l’image de Verhagen (2006), le seul mérite du
connectivisme repose sur le fait qu’il intègre le numérique dans les modes
d’apprentissage; en revanche, rien ne change dans le fond car l’apprentissage
se fait toujours de la même manière qu’auparavant et que seules les modalités
ont changé. Cependant, à la lumière de ce que nous avons lu jusqu’à présent, il
s’avère qu’avec l’avènement du numérique, les étudiants actuels semblent plus
actifs en termes d’interactions dans les apprentissages, ils veulent apprendre
en relevant des défis et préfèrent des apprentissages significatifs (Prégent et
al. 2009). Pour ce faire, les modalités d’apprentissage qu’évoque Verhagen
pourraient selon nous, militer dans le sens des pédagogies actives qui contribueraient
à stimuler l’intelligence collective défendue par Guité (2014) et qui semble
nécessaire dans la vie professionnelle.
Réf.
Bibliographiques
Le Moigne, J-F. (1994), Les
épistémologies constructivistes, Que sais-je? PUF, Paris, Note de lecture.
Legault,
B. (1992). Le cognitivisme: théorie et pratique, Pédagogie collégiale, 6(1), 41-42. Note
de lecture sur Tardif, J. (1992). Pour
un enseignement stratégique. L'apport de la psychologie cognitive, Les
Éditions Logiques, 474 p.
Ertmer,
P. A., & Newby, T. J. (1993). Behaviorism,
Cognitivism, and Constructivism: Comparing Critical Features from an Instructional
Design Perspective, Performance
Improvement Quarterly, 6(4), 50-72.
Siemens, G. (2005). Connectivism: A Learning Theory for the Digital Age.
Guité, F.
(2014). Connectivisme? Avec François Guité, vidéo visionnée sur Youtube.
Verhagen, P. (2006). Connectivism: A New Learning Theory? Document
téléchargé dans http://elearning.surf.nl/e-learning/english/3793.
Prégent, R., Bernard, H., & Kozanitis, A.
(2009). Enseigner à l'université dans une
approche-programme: guide à l'intention des nouveaux professeurs et chargés de
cours, Presses inter-Polytechnique.
Legros,
D., Maître de Pembroke, E., & Talbi, A. (2002). Les théories de
l’apprentissage et les systèmes multimédias, Psychologie des apprentissages et multimédia, 23-39.
Un bon article avec plusieurs références. J’aurais été plus heureux de le trouver un peu moins théorique et plus connecté à des situations réelles. Cette liaison étant une des 4 caractéristiques fondamentales du constructivisme (Loyens, Rikers, & Schmidt, 2008 ; Schreurs & Al-Huneidi, 2012). En effet, un article est aussi une ressource d’apprentissage.
RépondreSupprimerQuant au processus d’apprentissage collectif, je pencherais plus vers le fait que l’individu est encore capable d’apprendre, mais, par définition, les communications en réseau mettent en ouvre plusieurs entités et à l’occurrence, des apprenants. On ne peut tout de même pas nier que de ces échangent surgissent des nouvelles connaissances pour ceux qui y participent. Après tout, n’est ce pas l’apprentissage coopératif déjà énoncé dans le constructivisme (Loyens et al., 2008) ?
En ce qui concerne le connectivisme, j’ai effectivement un peu d’hésitation à le considérer comme une théorie révolutionnaire. En réalité, même si on reconnaît volontier que les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent un rôle important dans la transformation de l’éducation Chomal et Saini (2013), ils restent malgré tout un outil au service de l’enseignement.
Références
Chomal, V., & Saini, J. (2013, 01). A study and analysis of paradigm shifts in education triggered by technology. , 3, 14-28.
Loyens, S. M. M., Rikers, R. M. J. P., & Schmidt, H. G. (2008, 01 Sep). Relationships between students’ conceptions of constructivist learning and their regulation and processing strategies. Instructional Science, 36(5), 445–462. Consulté sur https://doi.org/10.1007/s11251-008-9065-6 doi: 10.1007/s11251-008-9065-6
Schreurs, J., & Al-Huneidi, A. (2012, Sept). Design of learner-centered constructivism based learning process. In 2012 federated conference on computer science and information systems (fedcsis) (p. 1159-1164).