BILLET 1 _DDD9691. Comment favoriser la motivation et l'engagement aux études des étudiants de l’université Virtuelle du Sénégal?
Ces dernières
décennies, l’enseignement supérieur au Sénégal est confronté à un engorgement
des unités dont les capacités d’accueil peinent à absorber chaque année les
nouveaux diplômés du secondaire. Face à la crise de surpeuplement des
universités qui engendrent comme maux, des taux d’échecs élevés mais également des
grèves à répétitions pour réclamer de meilleures conditions d’études pour les
étudiants et de travail pour les enseignants, le ministère de l’enseignement
supérieur a ouvert en 2012, une université virtuelle (Université virtuelle du
Sénégal : UVS) qui accueille près de 20.000 étudiants en vue de contribuer
à désengorger les autres universités. Mais l’UVS fait cependant l’objet de
plusieurs critiques depuis sa création car tant, d’année en année, le taux
d’abandon des étudiants demeure très élevé. Les étudiants orientés dans cette
université se voient comme étant des « étudiants de seconde zone » en ce sens
qu’ils constituent cette masse d’étudiants qui, n’ayant pas la chance ou ne
répondant pas aux critères d’être orientés dans les universités traditionnelles,
sont ainsi « parachutés » dans cette nouvelle institution. En conséquence, nous
considérons qu’ils sont extrinsèquement motivés. Le problème est que, plutôt
que de se poser comme une institution d’innovation pédagogique en enseignement
supérieur, cette université virtuelle n’est finalement qu’un moyen de
désengorgement des autres universités d’enseignement traditionnel. Qui plus
est, le sentiment le mieux partagé serait que la qualité des enseignements
laisse à désirer. À la lumière de ce scénario, comment donc conduire ces
milliers d’étudiants de l’UVS à valoriser leurs apprentissages? Selon nous,
trois facteurs pourraient ici être déterminants : l’utilité, la facilité
d’utilisation et l’intention d’utilisation qui, à notre avis pourraient
influencer l’acceptabilité de l’UVS par ses étudiants comme une institution non
seulement comme les autres mais aussi comme une institution innovante. Et, en
ce sens, une telle perception pourrait favoriser leur engagement à réussir
leurs études. Premièrement, selon Ryan
et Deci (2000), il faut amener les apprenants à auto-approuver la valeur de
leur activité d’apprentissage en environnement numérique. Ainsi donc, nous
présumons que leur perception sur l’utilité de l’environnement numérique
d’apprentissage pourrait certainement influer sur l’acceptabilité de cette
plateforme comme une logique d’innovation pédagogique dans le prolongement de
l’enseignement traditionnel qu’ils ont connu jusque-là. Cosnefroy (2010; 2012) montre
d’ailleurs que l’apprentissage en environnement numérique n’est significatif pour
les apprenants que lorsque ces derniers accordent une valeur suffisante à
l’activité d’apprentissage pour motiver leur engagement. Deuxièmement, quoique les étudiants puissent percevoir l’utilité de
leur environnement d’apprentissage, faudrait-il qu’ils se sentent compétents de
réussir leurs études à distance comme ils l’ont prouvé dans le système
traditionnel avant d’arriver à l’université. Ce sentiment d’auto-efficacité est
largement débattu dans la littérature et il est démontré que lorsqu’un individu
croit disposer de compétences nécessaires pour conduire la tâche, il serait
certainement motivé à un engagement productif pour accomplir efficacement
celle-ci (Soodak et Podell, 1996; Bandura et al. 2003) Enfin, troisièmement,
nous considérons que le facteur lié à l’intention d’utilisation découlerait de
ce que Viau (1994, dans Checkour et al. 2015) nomme « la perception de la
contrôlabilité d'une activité » qui se réfère « au degré de contrôle que
l'étudiant croit posséder dans le but de réaliser une activité ». Qui plus est,
puisqu’il s’agit d’un apprentissage à distance, cette perception sur la
capacité de l’étudiant à être autonome pourrait influencer son engagement dans
ses études.
Références
Cosnefroy,
L. (2010). L'apprentissage autorégulé: perspectives en formation
d'adultes. Savoirs, (2), 9-50.
Cosnefroy,
L. (2012). Autonomie et formation à distance. Recherche et formation,
(69), 111-118.
Pirot,
L., & Ketele, D. (2000). L'engagement académique de l'étudiant comme
facteur de réussite à l'université. Étude exploratoire menée dans deux facultés
contrastées. Revue des sciences de l'éducation, 26(2),
367-394.
Ryan, R. M., & Deci, E.
L. (2000). Intrinsic and extrinsic motivations: Classic definitions and new
directions. Contemporary educational psychology, 25(1),
54-67.
Je trouve particulièrement intéressant le contexte que vous décrivez et la raison d’être de l’UVS qui semble émerger d’un double besoin pratique, celui de désengorger les classes en présentiel et celui d’offrir une deuxième chance aux étudiants n’ayant accès à ces classes. Si l’UVS porte un statut de «second ordre», c’est-à-dire d’une légitimité moindre que celle des universités traditionnelles au Sénégal, la perception de valeur par rapport à la qualité des enseignements et des apprentissages qui y sont fait est nécessairement affectée de manière négative. Vous proposez d’explorer l’utilité, la facilité d’utilisation et l’intention d’utilisation comme potentiels leviers d’action pour améliorer la perception de valeur des activités pédagogiques à l’UVS. Dans son modèle de la dynamique motivationnelle, Viau nomme la valeur d’une activité comme un des déterminants centraux de la motivation scolaire (Viau, 1994). Selon ma compréhension du modèle, si la valeur d’une activité est perçue négativement, la motivation des étudiants aura tendance à diminuer. Je crois qu’une piste de solution pourrait donc émerger d’une analyse de la motivation scolaire spécifique au contexte de la formation à distance. Par exemple, nous pourrions nous demander si la présence à distance (Jézégou, 2010) est suffisante, si les étudiants possèdent un sentiment de maîtrise des outils numériques qui leur permet d’utiliser adéquatement les plateformes en ligne (Mignon et Closet, 2004, dans Chekour et al., 2015) ou si le contenu des activités en ligne les rendent actifs plutôt que passifs. En ayant un portrait global de la situation d’apprentissage que vivent les étudiants de l’UVS, je crois qu’on pourrait mieux comprendre l’impact que leur motivation a sur la valeur accordée à cette institution.
RépondreSupprimerRéférences :
Chekour, M, Chaali, R., Laafou, M. et Janati-idrissi, R. (2015). Impact des théories de la motivation sur l'apprentissage dans le contexte scolaire. EPI. http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1504c.htm
Jézégou, A. (2010). Créer de la présence à distance en e-learning. Distances et savoirs, Vol. 8(2), 257‑274.
Mignon, J. & Closset, J. L. (2004). Maintien et stratégies de renforcement de la motivation des étudiants dans l'enseignement à distance. In 21e congrès de l'Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU).
Viau, R. (1994). La motivation en contexte scolaire. Québec : Les Éditions du Renouveau Pédagogique Inc.