Défis et enjeux de l’évaluation en formation à distance dans les environnements numériques d’apprentissage


Dans ma pratique pédagogique durant les 3 années que j’ai eu l’occasion d’enseigner au Sénégal, j’avais une conception totalement différente de celle de bon nombre de mes collègues de l’époque en matière d’évaluation de nos étudiants. D’aucuns me soupçonnaient d’être trop complice avec les étudiants alors qu’au contraire, lorsqu’il était question de sanctionner une faute commise par un étudiant, je passais pour le diable car j’étais intransigeant. Je le répétais souvent à mes étudiants, je ne juge pas les émotions mais les faits! En revanche, lorsqu’il était question d’évaluer les apprentissages des mêmes étudiants, je passais pour le plus gentil professeur à leurs yeux. Mais justement, c’est parce que je considérais que mon rôle en tant qu’enseignant était d’accompagner mes apprenants dans l’acquisition des connaissances dont ils ont besoin et non de leur rendre la vie difficile dans leurs apprentissages comme c’est le cas avec certains enseignants pour ne pas dire beaucoup d’entre eux. J’avais rarement des étudiants qui échouaient mon cours car mon évaluation était basée sur un certain nombre de critères dont : l’assiduité au cours qui était notée sur 10[1], la participation en classe[2] qui était également notée sur 10 ainsi qu’une participation à un travail en équipe qui était notée sur 30[3]. Ce faisant, la réunion de ces trois critères remplissait déjà 50% de la note globale et les 50% restants étaient acquis dans l’examen de mi-parcours 20% et l’examen final 30%. En découvrant aujourd’hui les différentes théories d’apprentissage et de pratiques évaluatives, je viens de comprendre que j’étais constructiviste (dans l’âme sans le savoir!) et que je pratiquais une évaluation formative. En effet, comme le souligne Tardif (1993), le premier principe du paradigme constructiviste consiste à considérer l’apprentissage comme un processus actif et constructif. Qui plus est, dans cette perspective, l’évaluation vise la compréhension des apprenants et non leurs connaissances, elle se présente comme une démarche décrivant les métamorphoses cognitives de l’apprenant (ibid.). En ce qui nous concerne dans le cas de l’évaluation formative que nous avons précédemment évoquée, cette fonction pédagogique privilégie, selon Stockless (2018 : capsule vidéo), la rétroaction enseignant/apprenant et accorde plus d’intérêt à l’erreur et aux essais qu’aux compétences techniques des apprenants. Mottier Lopez (2015) va dans le même sens en attribuant à cette fonction pédagogique (qu’est l’évaluation), un objectif primordial qui est celui de soutenir l’apprentissage qui, par ricochet, permettra d’améliorer l’enseignement. C’est ce que le professeur Stockless, dans sa capsule vidéo, illustre clairement en postulant que « l’évaluation permet aux enseignants d’apporter des correctifs à leurs propres enseignements ». Qu’en serait-il si j’avais à utiliser le numérique en enseignement? Je dirais qu’autant ma pratique pédagogique ne changerait pas, autant ma manière d’évaluer ne changerait pas non plus dès lors que les plateformes qu’offre ce type d’apprentissage permet, comme en mode d’apprentissage en présentiel, les possibilités d’interactions en travail d’équipe et de rétroaction enseignant/apprenant. Aussi, les critères de présence en classe et de participation au cours laisseront place aux participations des étudiants dans le forum selon les thématiques abordées et suivant le plan de cours. Cependant, Nizet et al. (2016) soulignent plusieurs défis liés à l’évaluation des apprentissages en contexte d’enseignement à distance dont la conception d’évaluation de qualité notamment dans une perspective constructiviste qui nous concerne qui puisse favoriser une évaluation des compétences et des capacités cognitives de haut niveau. Or, selon Tardif (1993), ces habiletés cognitives qui réfèrent à la conscience et au contrôle de ce que l’apprenant met en action pour réaliser ses apprentissages, lui garantissent justement une très grande autonomie dans la réalisation de ses tâches. En revanche, est-il simple de savoir qui a effectivement produit la tâche à évaluer? C’est cela un des nombreux autres défis de l’évaluation dans un contexte d’enseignement à distance (Stockless, 2018 : capsule vidéo).

 

 

Références

Mottier Lopez, L. (2015). Évaluations formative et certificative des apprentissages: enjeux pour l'enseignement. Louvain-la-Neuve : De Boeck, 2015, 112 p. Extrait du livre PDF lu le 26 novembre 2018.

Tardif, J. (1993). L’évaluation dans le paradigme constructiviste. Texte tiré de L’évaluation des apprentissages. Réflexions, nouvelles tendances et formation, Coll. sous la direction de René Hivon, 27-56, Passim.

Nizet, I., Leroux, J. L., Deaudelin, C., Béland, S., & Goulet, J. (2016). Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 32(32-2).

Stockless, A. (2018). Introduction à l’évaluation des apprentissages, capsule vidéo dans sav_coursddd9651p3724_Cap4_v1_HD  

 



[1] À noter qu’une feuille de présence était signée à chaque séance et que toute absence devait avoir une justification valable.
[2] Pour moi, il ne s’agissait pas nécessairement de toujours fournir les bonnes réponses car aucune réponse n’est mauvaise mais c’est la manière dont on formule et développe sa pensée qui peut être bonne ou moins bonne.
[3] Le travail en équipe était rarement échoué car je fournissais une rétroaction de telle sorte que ce travail pouvait être réussi par toutes les équipes. Dans un premier temps, une rencontre a lieu avec chaque équipe pour discuter du choix de leur sujet et de sa pertinence. Une seconde rencontre a lieu pour discuter du plan de travail proposé par chaque équipe et, enfin, une dernière rencontre a lieu avant la soumission du travail final et des présentations pour faire une évaluation d’ensemble sur les forces et faiblesses du travail, les difficultés rencontrées dans le cadre empirique s’il y a lieu ou dans la mobilisation des sources pertinentes de la littérature.

Commentaires

  1. Merci Toumany pour ta réflexion. Je trouve que ton propos illustre très bien le contexte de ta pratique ainsi que ta posture d’enseignant. Tu décris un contraste intéressant entre complicité et intransigeance dans tes interventions évaluatives auprès des étudiants. Ces deux manières de faire semblent opposées, à prime abord, mais tu démontres en fait leur complémentarité en décrivant ta position d’accompagnateur. Le fait que tes réflexions sur l’accompagnement des étudiants dans leurs apprentissages précède ton propre apprentissage des théories illustre la part importante d’intuition qui s’immisce dans les pratiques évaluatives de plusieurs d’entres-nous. Aussi, la part attribuée à la participation dans ta classe démontre en partie l’importance accordée aux attitudes, et pas uniquement aux connaissances, mises de l’avant dans ton cursus. J’y vois donc une manière d’évaluer le processus, en plus du produit et du discours (Scallon, 2004). Mais, encore une fois, l’intuition me semble faire partie de l’élaboration de l’évaluation. Bien que la démarche évaluative se doit d’être rigoureuse et respecter les principes de l’équité (Stockless, 2018), l’intuition (à ne pas confondre avec la subjectivité) peut jouer un rôle essentiel dans le réglage minutieux (fine-tuning) de l’évaluation individualisée. L’utilisation de numérique m’apparaît alors comme un outil créatif précieux faisant exploser le nombre possibles de manières d’évaluer.



    Références
    Scallon, G. (2004).L'évaluation des apprentissages dans une approche par compétences. Québec :Éditions du Renouveau Pédagogiques Inc.

    Stockless, A. (2018). Introduction à l’évaluation des apprentissages, capsule vidéo dans sav_coursddd9651p3724_Cap4_v1_HD

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